Impropriété à destination et respect des normes.

L’impropriété à destination peut exister même si la construction est conforme à un DTU.

L’impropriété à destination et l’une des conditions de la responsabilité décennale des « constructeurs » résultant de l’article 1792 du Code civil. Elle trouve à s’appliquer pour les désordres apparus dans les dix ans suivant la date de la réception, et présentant un certain degré de gravité.

Seuls les désordres entraînant soit une atteinte à la solidité de l’ouvrage, soit le rendant impropre à sa destination, entrent dans le champ de la garantie.

Les faits de l’espèce tranché par le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de PERPIGNAN le 23 janvier 2018 (déja signalé sur un autre de ses aspects ici) viennent illustrer le caractère autonome de la notion d’impropriété à destination par rapport aux règles de construction.

Il s’agissait d’un parking sous-terrain d’une résidence en copropriété, qui se situait sous les jardins de la résidence. Le parking en sous-sol subissait des infiltrations depuis le jardin situé au-dessus, résultant d’un défaut de réalisation de l’étanchéité.

Dans le cadre des opérations d’expertise judiciaire ordonnées par le tribunal dans un jugement avant dire droit, la question de l’impropriété à destination était posée à l’expert.

L’enjeu était de taille, car si l’impropriété à destination n’est pas caractérisée, le désordre ne relève pas de la responsabilité décennale, et peut tout au plus engager la responsabilité de droit commun du constructeur, sans la garantie d’assurance qui caractérise la responsabilité décennale : réparation financée par l’assureur dans un cas, très incertaine dans l’autre cas.

Or, l’expert judiciaire n’avait pas manqué de relever que, s’agissant d’un espace non habitable, le parking souterrain relevait d’un D.T.U (Document Technique Unifié) qui tolérait des pénétrations d’eau, jusqu’à 0.5 litres par jour par mètre carré…

Toutefois, comme le rappelle le Tribunal dans son jugement, la notion d’impropriété à destination est une notion distincte du seul respect des normes de construction: il s’agit de la fonction ou de l’usage normalement attendu d’un ouvrage, et que la survenance du désordre ne permet pas au maître d’ouvrage d’obtenir.

Or, les infiltrations qui se produisent dans le parking souterrain, occasionnant des venues d’eau sur les véhicules stationnés (et pouvant rendre glissants les espaces de circulation piétonniers) ont été considérées par le Tribunal comme remettant en cause un usage normal du parking. Le Tribunal a également tenu compte du caractère généralisé et évolutif du désordre.

Le Tribunal a donc jugé que ce désordre engageait la responsabilité décennale des intervenants à la construction :

  • Le promoteur, et son assureur;
  • L’entreprise en charge du lot gros oeuvre,  et son assureur;
  • L’architecte qui avait une mission de suivi de chantier et son assureur

Le désordre engage aussi  la responsabilité civile du sous-traitant qui s’était vu confier la réalisation de l’étanchéité .

Ainsi, l’impropriété à destination de l’ouvrage peut être caractérisé même lorsque les D.T.U ont été respectés.

Me David DUPETIT, Avocat

 

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